
L'université des chèvres
Une BD de Lax - Futuropolis - 2023
En 1833, dans les Alpes du Sud, Fortuné Chabert est un instituteur itinérant. De village en village, il enseigne avec bonheur lecture, écriture et calcul aux enfants. Ce nomadisme enseignant est appelé « l'université des chèvres ». Fortuné devra renoncer à son sacerdoce, et se retrouvera, des années plus tard, chez les Hopis de l'Arizona, aux États-Unis. En 2018, Sanjar parcourt la montagne afghane avec son tableau sur le dos. Lui aussi pratique l'université des chèvres. Chassé par les talibans, il deviendra auxiliaire de l'armée américaine en... Lire la suite
Christian Lacroix dit Lax est un auteur de bandes dessinées qui signe ses scénarios comme ses dessins.
L'université des chèvres est un très bel album mais aussi un beau plaidoyer pour l'école, la liberté et l'indépendance de l'enseignement, dans une tonalité socio-naturaliste qui rappelle un peu le style Davodeau.
Avant de vous plonger dans l'album, on vous invite à lire la courte postface de Pascal Ory (historien de la culture, membre de l'Académie Française) qui donne tout la perspective nécessaire à la compréhension des histoires qui seront contées.
❤️ On aime les magnifiques dessins aux tons pastels qui n'hésitent pas à s'étaler sur quelques doubles pages. Les paysages de montagnes, du Dauphiné à l'Hindu Kush, sont superbes.
❤️ On aime le scénario très astucieux, façon "la boucle est bouclée", qui réussit à croiser les destins, les géographies et les époques sans que cela paraisse artificiel : de 1883 à 2019, [c'est une longue histoire] portée par un propos parfaitement maîtrisé.
Cet album est un élégant plaidoyer pour l'école, la liberté et l'indépendance de l'enseignement.
Un discret mais efficace réquisitoire contre tous ceux qui s'y opposèrent et s'y opposent encore : les curés, les conservateurs rétrogrades, les intégristes mais aussi les états qui préfèrent garder la mainmise sur l'accès à la culture ou en exclure certain(e)s.
Avec l'évocation des tueries US, c'est aussi un autre regard sur la présence d'armes à feu dans ces écoles qui devraient rester des sanctuaires, à l'écart des violences de la NRA comme de celles des talibans.
En 1833, Fortuné Chabert est "colporteur en écriture" dans les montagnes du Dauphiné.
Son chapeau arbore "les 3 plumes" : la lecture, l'écriture et "la chiffre", celle du calcul, ce qui lui permet de faire l'école dans les villages des hauteurs, c'est l'université des chèvres.
Cette année-là, les lois Guizot vont instaurer un système d'enseignement public (sur lequel le clergé gardera une forte influence, l'école publique devra attendre 1882 et Ferry pour devenir laïque) : c'en est fini des colporteurs en écriture comme Fortuné Chabert. Il part pour la Californie.
Il reprendra l'école, cette fois pour les enfants des tribus Hopis, et finira par s'opposer de nouveau à l'état et aux pensionnats et internats qui visaient à "acculturer" les enfants indiens.
Plus tard, alors qu'aux US triomphent la NRA et le trumpisme, son arrière-petite-fille journaliste, est envoyée pour un reportage en Afghanistan. Son "fixeur" est Sanjar, un instituteur itinérant (un colporteur local donc) chassé des villages à coups de pierres par les talibans : la boucle semble ainsi presque bouclée.
Je ne connaissais pas cette pratique des instituteurs itinérants qui avaient cours au XIXème siècle en France et notamment dans les villages les plus reculées des vallées alpines. On va suivre l'un d'eux dans un parcours tout à fait intéressant.
Je ne m'attendais pas à passer à une seconde histoire se déroulant dans l'Ouest américain avec ce même homme qui se retrouve au sein d'une population indienne. A vrai dire, j'ai été un peu dérouté par cette nouvelle direction du récit.
Il y a un troisième chapitre consacré à une descendante de cet homme qui est une journaliste envoyée en Afghanistan. Elle sera confrontée à un enseignant qui fait la même chose que son ancêtre dans un univers où les femmes essayent de se battre contre une société résolument patriarcale.
Le thème central est l'éducation et l'instruction qui doivent se réaliser afin d'émanciper les populations face à l'obscurantisme. On ne peut s'empêcher de penser à Samuel Paty, cet enseignant investi et aimant son métier, soucieux de leur réussite et apprécié par les élèves qui fut lâchement assassiné et décapité par les tenants de cet obscurantisme. La liberté a été durement acquise grâce aux livres et aux enseignants, il ne faut jamais l'oublier !
On aura droit à une horrible fin qui s'apparente un peu à un fait divers pour le moins marquant. On quitte un pays en guerre. On croit trouver la sécurité dans nos pays occidentaux mais c'est de là où peut survenir des dangers insoupçonnés liés également à une forme de stupidité humaine alimentée par des discours haineux de responsables politiques tel que Donald Trump par exemple pour ne citer que l'exemple dans cette œuvre. Oui, il y a encore beaucoup de travail à accomplir afin de pacifier les esprits.
C'est bien écrit, bien dessiné, mais je suis resté sur ma faim concernant cette "Ecole des Chèvres" car rapidement on quitte cet objet pour se concentrer sur les destins de deux personnages qui n'ont pas forcément à voir (les destins) avec cette école nomade.
Ca reste une BD intéressante, détaillée, mais parfois un peu "fourre-tout".
Quel début ! Quel dessin ! Quelle ambiance ! J'ai adoré les 1ères pages. En fait, je n'avais pas compris que l'on allait changer d'époque, suivre une saga familiale...
Plus le temps et les pages passent, et plus je me détache des personnages. L'ambiance de départ disparait, les couleurs me semblent aussi plus fades (peut-être est-ce volontaire ?).
J'ai l'impression que l'on ne cherche plus à raconter une histoire mais à faire passer un message.
Tant pis, je m'arrête en cours de route. Mais les 1ères pages valaient quand même le coup !
Un très très bel album. Ça peut paraître un peu fourre-tout, les Alpes il y a deux siècles, Donald Trump, l'école, la NRA, les talibans... Mais le fil rouge est bien là, l'éducation, l'humanisme, une très belle histoire pleine d'intelligence et de sensibilité. Et des dessins superbes, avec des mises en page d'une variété et d'une richesse remarquables. A lire attentivement, avant de relire pour le plaisir de feuilleter en tournant les pages.
De la belle ouvrage, pour reprendre une expression découverte dans une école. Christian Lax nous propose une œuvre de grande qualité, qui donne à réfléchir. Les personnages positifs sont quelque peu idéalisés, c'est vrai, et les méchants sont sans nuance, mais quand cela sert un propos d'évidence sincère, servi par le graphisme et par le découpage du récit, on ne peut que recommander cette lecture et retourner admirer les plus belles planches.