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Une série courte mais d'une extraordinaire richesse.
La ville. Elle clôture tous les chapitres, avec des vues du ciel, nocturnes, qui montrent sa densité, mais sont étonnement apaisantes. Elle les ouvre souvent, en nous plaçant au ras du trottoir, dans la foule et les bruits de la circulation et des travaux. Elle ponctue régulièrement l'histoire, belle sous la neige, sous la pluie, comme sous le soleil.
Les animaux. Le moineau de Java, avec qui discute Shiozawa, quitte parfois sa cage pour aller à la fenêtre mais jamais son appartement. Shiozawa, tout comme Arashiyama, un mangaka qui demande à l'éditeur de ne plus le solliciter, donne à manger aux pigeons. Ce sont des moineaux qui informent Shiozawa du fait que Chōsaku, un mangaka divorcé en panne d'inspiration, a retrouvé le sourire. Aoki, le mangaka prodige mais caractériel, a six chats et, depuis le drame de son enfance avec son chien Shiba, il ne peut se séparer d'aucun d'entre eux.
Shiozawa. C'est un éditeur amoureux des mangas (ils ne le sont pas tous), perfectionniste et respectueux, qui vouvoie tous ses interlocuteurs. Certains se moquent de son attitude comme de sa tenue, car il se déplace toujours en costume et avec un gros sac à dos. Cependant, il est immensément apprécié et respecté par les mangakas, qui sont tous (ou presque) prêt.es à créer pour lui.
Les mangakas. Après avoir démissionné (nous savons maintenant pourquoi), Shiozawa se met en tête de créer, sans maison d'édition, le magazine de mangas idéal. Un pari fou de l'avis de tous. Dans ces 3 tomes, il parcourt Tokyo et le Japon pour solliciter les mangakas qui l'ont, dans le passé, marqué et ému, même s'ils sont maintenant pris par d'autres métiers ou même à la retraite.
Les parapluies. Pour éditer les meilleurs mangakas, Shiozawa doit s'adapter à leurs personnalités fantasques. Il doit capturer quelque chose de plus subtil encore que le chant des oiseaux : leur talent. Mais leur inspiration n'est-elle pas aussi insaisissable que des parapluies dans la tempête ?
Comme nous le comprenons dès la couverture, les rôles se sont inversés. C'était à prévoir car, après avoir tout confié à l'IA, les humains ont profondément régressé (pour rester poli). Heureusement, "les chiens, guidés par le mouvement Chien-GPT, s'emparent du monde" et prennent les humains sous leur protection.
La lecture nous confronte à des sujets tabous, rarement abordés en société, tels que : pipi, caca, sexe, et hygiène corporelle en général. Les lecteurs de Fluide Glacial auront bien entendu une longueur d'avance sur les autres !
On peut tout prendre au premier degré. Cependant, le fait qu'Olivier Lhote soit un comportementaliste canin suggère que les gags ne sont pas totalement gratuits. Ils nous font en effet réfléchir aux relations que nous entretenons avec les animaux domestiques et avec les chiens en particulier.
C'est une BD qui nous fait également prendre conscience qu'entre l'homme et le chien, le plus respectable n'est pas celui qu'on croit.
Nous retrouvons Hiroto et sa cousine / colocataire Natsumi, ainsi que leurs relations proches, dont Hideki, un ami d'enfance de Hiroto. Nous vivons avec eux les petits drames et les petits ou grands plaisirs de leur vie quotidienne.
Yomigi (déjà aperçue dans le tome 1) est cadre dans une agence immobilière. Sa personnalité perfectionniste et son mode de vie de salariée riche mais surmenée semblent être à l'opposé de ceux de Hiroto. L'amitié entre Natsumi et Akari, également étudiante aux Beaux-Arts, semble désormais bien établie.
Mais nous avons encore des choses à apprendre sur le passé de Hiroto en tant qu'acteur de cinéma...
Comment la langue française peut-elle être si compliquée ? James plonge dans cette science passionnante qu'est l'étymologie pour nous expliquer les règles, souvent contre-intuitives, du français. Il visite, bien sûr, notre passé lointain mais il justifie également le langage actuel et ses tics, wesh gro.
Dans ce deuxième (ou second ?) tome, qui rassemble comme le précédent des chroniques publiées dans La Revue Dessinée, nous nous instruisons sur les néologismes, le nom des villes, la conjugaison vicieuse du verbe "aller", la différence entre injure et juron, le choix du féminin ou du masculin pour les objets modernes et comment choisir un bon avocat, entre autres.
Voili voilou.
Sacha nous amuse une fois de plus avec ses pouvoirs mis à jour quotidiennement, superpouvoirs plus surprenants et farfelus les uns que les autres !
De plus, la dernière histoire ("Curiosité") nous éclaire sur un thème implicite de la série qui m'avait échappé. Une journaliste se fait passer pour une prof d'EPS remplaçante afin de questionner Sacha sur ses superpouvoirs. Elle en tire un livre, qui devient un bestseller (en format numérique) et notre héros devient immédiatement une célébrité. Les superpouvoirs de Sacha ne sont-ils pas une métaphore des exploits toujours plus spectaculaires et des excès qui sont publiés sur les réseaux sociaux, dans une quête effrénée de célébrité ?
Sacha, un collégien qui a malencontreusement touché une pierre mystérieuse, se réveille tous les matins avec un nouveau super-pouvoir. Qui n'en a pas rêvé, pour pouvoir épater les filles et les copains ?
Sauf que, pour un pouvoir sympa de temps en temps, Sacha se découvre le plus souvent des pouvoirs "galère". Comme, par exemple, des pets colorés, une queue de lézard ou une langue de 4 mètres...
Une BD ado très amusante, dont le scénario et les dessins sont sans limites !
Le point de départ est facile à raconter. Les parents de Billie, une lycéenne, décèdent brutalement. Dans leur testament, ils avaient demandé qu'elle soit confiée à Adam, son parrain. Celui-ci est propriétaire d'un cinéma à Liberal, une ville moyenne du Kansas. L'oncle et la tante de Billie l'emmènent donc, à contrecoeur, vivre chez cet homme qui n'est pas de la famille.
La réalisation de ce projet va être complexe, notamment parce qu'Adam est gay et a un compagnon. Comment Billie va-t-elle s'intégrer dans cette nouvelle famille ? Son oncle et sa tante, qui sont des conservateurs, vont-ils respecter la volonté de ses parents ? Billie va-t-elle trouver sa place dans son nouveau lycée, qui n'est pas très accueillant ?
Une belle BD sur l'homophobie et sur la difficulté de s'intégrer en général.
Au départ, cela paraît simple, d'autant plus qu'on l'a déjà vu des centaines de fois : il suffira qu'une damoiselle embrasse la grenouille pour qu'elle redevienne le prince charmant qu'elle était auparavant.
Oui mais non. Car ce prince serait en fait un odieux personnage. Et sa famille ne serait pas vraiment pressée de le voir se rassoir sur son trône. Et la chevalière qui combat les dragons pour le compte du prince ne serait pas née de la dernière pluie. Et la princesse enfermée dans la tour aurait un esprit d'indépendance affirmé. Sans parler de l'étonnante sorcière, ni de son aide-jardinière à la tenue très naturelle.
Au-delà de l'irrésistible scénario, anti-autoritaire, résolument féministe, et très drôle, cette BD est à lire pour ses étonnants dessins. Les personnages sont stylisés de façon très originale, chacun différemment, et ils semblent faits en pâte à modeler. Sans parler des dialogues, qui sont dans une sorte de vyeu francey très contemporain qui finit de nous ébaubir.
Un Fauve Révélation au festival d'Angoulême 2025 tout à fait mérité !
C'est une biographie de Manu Chao, principalement consacrée à sa carrière musicale, sa vie privée étant volontairement laissée dans l'ombre. Nous le suivons de la création de son premier groupe "familial" ("Joint de culasse", 1982) jusqu'à sa carrière solo (qui débute avec l'album "Clandestino", 1998), en passant par La Mano Negra (1987-1991) et de très nombreux autres groupes.
Chaque page contient un QR code qui permet d'accéder à des vidéos (concerts, clips) ou à la musique des morceaux, sur Youtube.
Cette BD nous permet d'approcher un peu la personnalité de Manu Chao, son caractère de leader (que certains musiciens n'ont pas accepté), sa vision altermondialiste, mais aussi sa part restant insaisissable.
Ce tome nous fait entrer encore un peu plus dans le monde de l'édition de mangas, à Tokyo. Faut-il privilégier l'originalité de la création et le talent des mangakas, ou plutôt se préoccuper de sélectionner des auteurs qui auront du succès et dont la production sera rentable ? Chaque éditeur et chaque maison d'édition aura sa vision des choses. Et bien entendu, chaque mangaka, au-delà de son style propre, aura sa façon de répondre à ces attentes et à cette pression.
Taiyō Matsumoto, toujours de façon subtile, nous montre que le travail des mangakas, souvent écrasant, est indissociable de leur vie privée. Il met en scène une très grande diversité de caractères et d'histoires personnelles.
Surtout, "Tokyo, ces jours-ci" nous parle de ces couples étranges que sont les duos mangaka-éditeur. Des couples à la fois solides et fragiles, dont les relations sont passionnées et passionnantes.
Quel plaisir de retrouver cet auteur, 5 ans après "Le rêve de mon père" (qui était sorti au Japon en 1991-1992) et 6 ans après "Les chats du Louvre" !
Cette nouvelle série suit Shiozawa, un éditeur qui travaille dans une grande maison d'édition de mangas de Tokyo. C'est un homme d'âge mûr qui vit seul. Le tome commence par sa démission pour raisons personnelles puis par son intention de vendre tous les mangas de sa bibliothèque. Cependant, il semble que ses relations avec les mangakas commencent déjà à lui manquer.
Nous retrouvons ce qui fait la saveur des mangas de Taiyō Matsumoto : un mélange de mélancolie et d'ironie, de scènes d'intérieur et de paysages urbains, de personnages à la psychologie complexe et de poésie. Aucune information ne nous est donnée de façon directe ; c'est au lecteur de deviner les pièces du puzzle manquantes.
Nous sommes en ville mais, comme dans tous ses mangas précédents, les animaux sont très présents. D'ailleurs, quand il est chez lui, Shiozawa discute avec son moineau de Java (en couverture).
A travers les péripéties de Nel et Mario, deux jeunes Portugais immigrés clandestins en France en 1973 pour échapper au dictateur Salazar et à la guerre en Angola, les auteurs nous racontent la période pendant laquelle le Portugal a connu l'exode la plus massive de son histoire. Le seul horizon de ces migrants était le travail sur les chantiers du bâtiment et la vie dans les bidonvilles.
Le dessin de Chico est "brut de décoffrage", ce qui est finalement tout à fait adapté. Le scénario d'Olivier Afonso est remarquable, d'une part parce que les notes historiques sont rares et discrètes, et d'autres part parce qu'il est impossible de reposer la BD avant de l'avoir terminée.
Où un artiste talentueux (ici un écrivain ou un peintre) trouve-t-il la confiance nécessaire pour se lancer, au tout début de sa carrière ? Comment prendre le risque de se consacrer totalement à son art, en délaissant tout le reste ?
À travers cette biographie de Gertrude Stein, les autrices tentent de répondre à cette question passionnante. Les artistes ont besoin d'être reconnus, c'est à dire d'exister dans le regard d'un autre. C'est ce rôle de mécène et de conseiller que Gertrude Stein a joué auprès de nombreux artistes, au début du XXe siècle.
Picasso est un cas particulier car il semble qu'il avait, dès ses débuts, une confiance en lui à toute épreuve. Mais Henri Matisse ou Ernest Hemingway, notamment, ont eu besoin de ce regard extérieur, de la reconnaissance de leur art par Gertrude Stein.
Mais qui était Gertrude Stein ? Née au Etats Unis dans une famille juive d'origine allemande, elle était atypique. Elle avait un physique imposant ("Vous êtes un menhir, Gertrude", lui dit Picasso dans l'excellente série "Pablo" de Julie Birmant et Clément Oubrerie. "Gertrude Stein était une lesbienne riche et arrogante".
Mais son talent à elle, qui aurait été capable de le reconnaître ? Elle écrivait et désirait être publiée. "Son écriture était cubiste... peu compréhensible et était l'objet de railleries". Valentina Grande répare donc cette injustice.
Les dessins et les couleurs d'Eva Rossetti sont très beaux et totalement dans l'esprit artistique de l'époque.
Une évocation de l'âge d'or des clubs de jazz de New York, à la fois désenchantée et drôle. L'auteur brouille avec subtilité toutes les pistes : l'action se passe à New Story City, dont le maire est un certain Scrump, qui manipule les foules du haut de sa tour et veux détruire les vieux quartiers. La jeune Billie, au look très contemporain, croise la route de personnages du passé, évoquant de grands anciens tels que Charlie Parker, Nina Simone ou Screamin' Jay Hawkins.
J'ai également bien aimé les dessins plutôt dépouillés, un peu dans le style de Pierre-Henri Gomont. Une BD très rythmée !