Les avis de - VertSevere

Le pessimisme de Tardi a rencontré un frère de douleur en Didier Daeninckx, auteur du scénario.
De Burma à Varlot, il n’y a qu’une guerre de différence. Tous deux surnagent en eaux troubles, Burma s’en sort, un héros de roman de série faut le préserver, Varlot est à usage unique.
Que dire sans déflorer l’intrigue ? D’un côté les militaires à la gloire douteuse, de l’autre les anars qui ne s’embarrassent pas de subtilités, et aussi les flics qui vivent à couvert. Le héros farfouille et plus il trouve, plus ça pue.
Le fond de cette histoire tient sur un épisode historique oublié de la guerre 14-18 : la réaction des soldats russes envoyés en France par le tsar, quand ils apprennent que la révolution a eu lieu. Choisis ton camp camarade !

A celles et ceux qui se sont un jour posé la question : « Jean Yanne avait-il essayé le LSD ? », je réponds par l’affirmative, cette bd en apporte la preuve. Sur une base qui se veut surréaliste, le scénario fait défiler les caricatures des célébrités du siècle, Yanne lui-même se trouvant un rôle dans l’aventure. Les couleurs flashy de l’album, typiques du pop art, (aaaargh, cet orange !) piquent bien aux yeux. L’influence de Heinz Edelmann, réalisateur du film « Yellow submarine » des Beatles, transpire un peu partout.

Cet avatar du psychédélisme dans la BD française, témoin de l’époque, est à ranger à côté de « Pravda la survireuse » de Pellaert.

Elle est magnifique cette série, qui narre le sort d'un russe blanc dont le frère a choisi les rouges, exilé cherchant une place dans une société française qu'il observe de loin.
Vous qui avez lu les 5 tomes de cette histoire, relisez Corto Maltese en Sibérie, un autre point de vue sur les mêmes évènements historiques.

Un album "feelgood", très disneyen : pas de méchant, pas de ségrégation raciale, même le colonel (probablement un ex colonel de l'armée confédérée), propriétaire de champs de coton, a les accents de celui qui n'approuve pas vraiment mais laisse faire pour voir la suite.
Je partage l'avis de Toon's, c'est rafraichissant quoiqu'un peu convenu. J'attends quelques twists ravageurs pour le tome 2.

Un space opera, blockbuster.
On rentre tout de suite dans l’action. Et tout aussi rapidement dans les problèmes humains. Le scénario prend le temps de donner de l’épaisseur psychologique aux protagonistes, intention pas obligatoirement courante dans ce type de récit. A la fin de l’album, l’équipe composée des principaux personnages, a volé en éclat. Le masque est tombé, foin de sympathiques cow-boys de l’espace, tous sont devenus des réprouvés en sursis, stars wars versus les douze salopards. Le décor est planté, les acteurs ont été présentés, le drame peut commencer. Intrigué, j’attends la suite...

Petit exercice de philologie pratique, vous déboulez dans votre rade de prédilection et vous déclarez sans ambage au taulier : « Fais péter deux roteuses et un gaz ». Si vous êtes rappelé à la probité et aux bonnes manières, il faudra en conclure que le tenancier entrave que dalle à l’argomuche et traduire votre commande en français courant. Dans l’épisode un de ce tome 4, Coyote réussit à ramener Audiard au milieu des bikers.
Les 8 autres histoires sont un ton en dessous, mais on sourit quand même.
Préférez la version noir et blanc, les colorisations des classiques, ça fait toujours artificiel.

Eric Loublanches, dessinateur de l'oeuvre est inconnu du net. Probablement un pseudo, mais de qui ? Il sait dessiner, notamment les autos en mouvement (je peux vous citer une longue liste de dessinateurs qui calent sur ce sujet), les mouvements des corps sont fluides, mais les couleurs sont dégueulasses.
Le scénario, fort naïf, me conforte dans l'idée que chez Garnier Frères (vénérable maison fondée au XIX ème siècle) on destinait cette bd à un bien jeune public (Cf les aventures de Saucisson Smith).
Je le mets de côté à titre de curiosité, en attendant qu'un jour le net dévoile l'identité du dessinateur.

Il y a bientôt 40 ans, J. J. Goldman réunissait un parterre de dessinateurs pour alerter sur la question de l'eau. 40 ans plus tard, seuls les cinéastes trouvent les histoires d'eau sexy, l'eau aeu beau couler sous les ponts, les mentalités n'ont pas changé. Cet album a donc été un coup d'épée dans l'eau.
Eau delà de quelques calembours vaseux, quel peut encore être l'intérêt de cette compilation en 2025 ? Tout simplement d'y retrouver des inédits d'un paquet de grands noms de la BD : même la fondation Hergé y est allée de son eau-bol avec une page de presque Tintin sous le crayon de Bob de Moor + 3 pages de Moebius + les autres, ça se refuse pas.

Le scénario cause du sida, certes, mais vous pouvez aisément remplacer le VRH, virus local cousin du VIH, par le Covid, et l'album, paru en 1989, prend un tour prophétique : la pandémie utilisée en ascenseur vers le pouvoir par un parti fasciste. Le retour des pestilences, compagnons de route de la peste brune.
A la fin de ce premier épisode, quasiment tous les protagonistes "du clan du bien" sont morts, sacré cliffhanger pour la suite.

Je n'attendais rien de cet album, il faisait partie d'un lot que j'avais acheté. Poussé par la curiosité, j'ai jeté un oeil, et je me suis laissé embarquer dans cette histoire de Merlin vivant au XXI ème siècle. Des monstres en tous genres déboulent cornaqués par des humains d'autres époques, voire carrément des squelettes, ça bouge bien, sans temps morts. La loutre, copine des gentils, a une vis comica bien affutée, ce qui ajoute au charme de l'album. Hé, aller voler un drone dans une caserne pour démolir un oeuf (magique), fallait y penser.

Maëster, le Johnny Rotten des églises a encore frappé fort. Citations, (j’ai particulièrement apprécié l’intro de la série « le prisonnier » version Marie-Thérèse), caméos en tous genres, caricatures des copains et aussi des autres, tout le monde a bon dans le jeu de massacre. Evidemment, faut avoir le même fond culturel geek has-been que l’auteur, sous peine de passer à côté de plein de choses ; ce qui m’amène à dire que, ben oui, c’est daté. Mais jouissif quand même ! Si vous êtes capable de citer toutes les références qui foisonnent dans cette album, vous êtes un boomer !

Puisse Saint Audiard me pardonner pour ce qui suit.

Tiens, un éditeur paresseux a ressorti les anciens de chez De Gaulle.
Pourquoi je dis ça ?

Tout en étant franchement malhonnête, au premier abord, comme ça, cet album attire le curieux. Je ne sais pas si une polonaise s’est un jour penchée sur son cas, mais faut quand même admettre que la contrefaçon n’est pas optimum. L’idée date d’il y a soixante ans, des grandes heures de l’édition ; on n’a pas arrêté la fabrication parce qu’il semblerait que ça ait eu quand même son petit succès (les gens seraient-ils devenus aveugles?). Malheureusement, y a même pas de quoi faire une histoire. Faut reconnaître… ...c’est du banal. Rien de bien copieux.

Ca me rappelle, et même un peu plus, ces espèces de drôleries qu’Audiard concoctait avec Lautner dans les sixties. J’y trouve un goût de vieille cave. Si seulement Teddy de Montréal était passé dans les bureaux du scénariste...

Tout n'est ici qu'invraisemblance : du sosie du chanteur qui braque une banque, au montant de l'argent engrangé suite à la mort du chanteur, en passant par son mariage secret avec le présidente du fan-club.
Tiens, Duchâteau écrivait aussi des romans de la collection Harlequin.
Ca arrive aussi aux meilleurs de produire des bouses.

Une plèbe miséreuse face à un pouvoir qui s'enivre de fêtes décadentes, une secte qui prend les décisions en sous-main et une bourgeoisie fomentant une révolution, ça ne vous rappelle rien ?
La Terre contre la Terre : ici la menace vient de terriens, prédécesseurs de Valérian, qui ont dégénéré, et asservi l'empire syrtien à leurs ambitions vengeresses. Dans le final de l'épisode, Valérian doit faire face à un autre lui-même, rongé par le temps et la haine, une personnification de l'échec des ambitions terriennes, et aussi une querelle des anciens et des modernes.
Autour de ce pitch étonnamment solide de Christin, l'imaginaire graphique de Mézières prend son vol, et nous présente les premiers individus du bestiaire stellaire.
Quel dommage que Valérian n'ait jamais mis les pieds sur Bluxte, car outre de petits portes-monnaie sur pattes, on y trouve aussi des êtres dont la simple présence sur la tête apporte le bonheur.

Valérian part dans le passé, au Texas en juillet 2025… ...ah non, à New York, en 2026 alors. Donc, il poursuit l’habituel narcissique qui veut devenir maître du monde, et qui va profiter de son passage chez nous, pour nous faire les poches en pillant la banque locale ; ces migrants temporels ont décidément tous les culots. Après quelques escarmouches avec des sbires, Valérian noue une alliance avec le chef des pillards locaux, qui a bien compris que l’époque ne lui offrait que des perspectives fort restreintes. Alors qu’un problème technique l’empêche de rentrer à la maison, notre héros rencontre un providentiel Jerry Lewis, bricoleur invétéré qui a pompé Wells et fabriqué une machine à voyager dans le temps, qui ne demande que quelques réglages pour que tout rentre dans l’ordre. Au moment où il s’enfuit dans un engin de sa conception, le futur maître du monde s’emmêle les pinceaux et ruine sa carrière dictatoriale : le voici désintégré.

Toute ressemblance avec des faits ou des personnes ayant existé ne pouvant être que fortuite, quel pourcentage de chances donnez-vous aux New Yorkais pour qu’un voyageur du temps déboule chez eux prochainement ?

Cette histoire m'a fait penser au "prisonnier du Bouddha" mâtiné de plein d'autres références (à ce propos, les godasses pour marcher au plafond, ça vient d'un épisode de "Chapeau melon et bottes de cuir" intitulé : "Le vengeur volant") . A priori, un ours lanceur de couteaux, y aurait que Gaston pour dénicher un tel phénomène ! Ben ici, y en a un qui déboule en passager clandestin alors que nos héros ont posé leurs baskets au bout du monde. Je n'en dis pas plus, James Red a rédigé un avis qui situe bien les choses.

P.S. : en Patrick Juvet des temps modernes, je pose la question : "où sont les femmes ?", j'en n'ai pas vu une dans cette histoire. N'importe quelle armée populaire compte des filles dans ses rangs, elles ont le droit de se vautrer dans la boue comme tout le monde et même de se faire amputer (c'est Georges Miller qui l'a dit).

Le coda de la série, où Christin affirme qu’on ne réécrit pas l’Histoire et qu’il ne mettra pas le doigt dans l’engrenage du paradoxe temporel. Pour ce faire, il créé un beau personnage de criminel intergalactique, Jal, héros shakespearien qui tente désespérément de faire renaître Galaxity.
Tiens, il y avait donc d’autres Valérian ? Quelles étaient leurs missions ? Et si l’un d’eux a réussi à échapper au reset divin, pourquoi les autres n’auraient-ils pas eu la même chance ?
Au fait, que connaissons-nous de Galaxity ? Une civilisation technologique colonisatrice, qui maîtrise le voyage dans le temps… ...quoi d’autre ? Qui est, ou plus exactement, qui fût Galaxity :
- Le chef du service spacio-temporel (La cité des eaux mouvantes, Les spectres d’Inverloch),
- L’ambassadeur et son sous-fifre (L’ambassadeur des ombres),
- Jalna (Sur les Terres truquées),
- Jal (Sur les frontières).
Cinq personnages secondaires, dont les interventions dans la saga furent, hormis celles de Jal, anecdotiques. Ah oui, il y a aussi les colons, figurants anonymes lointains. Durant toutes ces années (25 ans), les hérauts de la Terre conquérante n'ont jamais croisé d'adversaire qui conteste les visées colonisatrices de Galaxity, laquelle dispose d'une supériorité technologique sur les autres civilisations spatiales avec le saut spacio-temporel.
Ce qui n'empêchera pas Galaxity de s'évaporer, aussi sûrement que le chef du service spacio-temporel dans « Les spectres d’Inverloch ». Asimov aurait probablement dit de Galaxity qu'elle manquait de fondation.
"L'ambassadeur des ombres" et la tétralogie (tomes 9 à 12) véhiculent le même message : quelque soit le degré de connaissance des civilisations technologiques, elles seront balayées par les civilisations qui pratiquent la philosophie, voire la spiritualité.
La civilisation terrienne a réussi à survivre à une première extinction, la volonté divine ne lui a pas donné de seconde chance. La boucle Xombul-Jal vient de se refermer.

A la lecture du 14 ème tome des aventures de Valérian (Les armes vivantes), la chanson d’Eddy Mitchell « La dernière séance », m’est revenue en tête : « Un vieux pleure dans un coin de Bdgest, son livre d’image est fermé, Bye, bye, les héros que j’aimais, le film est terminé. Bye, bye, rendez-vous à jamais, l’humanité évaporée ». Malgré ma tristesse, j’applaudis. Malgré les roublardises et les impasses de Christin, Mézières a su garder à la série le souffle d’une superproduction. Quel spectacle ce fut !

L’apocalypse de Pierre (Christin) se décompose en 4 psaumes. Les psaumes 9 et 10, « Les 4 cavaliers » et les psaumes 11 et 12 « La colère de Dieu » (petite exégèse personnelle). Son prophète, Valérian, retourne au XX ème siècle pour combattre arme à la main, les exactions des puissances extraterrestres, tandis que Laureline, sa grande prêtresse farfouille dans le cosmos à la recherche de la source des perturbations. Mr Albert, contact temporel du héros assure la logistique et les recherches sur base de bonnes vieilles fiches-papier-d’avant-les-ordinateurs-pour-tous. Le démiurge Christin maintient une pesante ambiance de fin des temps 4 tomes durant, et on n’en perd pas un miette tant on veut savoir dans quoi il nous embarque. Au fil des pages apparaît lentement son inexorable dessein : la civilisation terrienne, suite et fin. Bien que Valérian et Laureline parviennent à remettre en cage les 4 perturbateurs, l’apocalypse aura quand même lieu par des biais inattendus. Dans cette tétralogie, Christin aura tout donné, il lui restera juste un petit sursaut d’imagination pour un cinquième psaume : « Sur les frontières ». Ensuite, épuisé par sa cavalcade mystique, il délaissera sa prophétie pour lancer des miroirs déformants sur ses deux créatures. Dommage, faire disparaître la Terre-mère, peu d’auteurs de SF s’y sont essayés. Quel challenge que d’imaginer une résilience pour des personnages dont la raison d’être (Galaxity) a été balayée par la divinité (Christin ou la Sainte Trinité).

Orphelins, tout le monde l'est. Valérian et Laureline, qui ont perdu la Terre mère, Christin, qui a joué son va-tout dans "Les foudres d'Hypsis" et se révèle incapable de reprendre la main, et nous, lecteurs qui avons perdu une série référence de la bd de science-fiction. A court d'idées, Christin se met en scène, après tout, ses personnages ont l'habitude de rencontrer leur créateur, las, l'idée vire au désastre annoncé.

Encore une baisse de forme chez Christin. Il caricature 3 systèmes de pensées, (enfin deux, si on considère que le communisme et le fascisme sont les deux faces d'une même pièce). Aux dogmatismes, il oppose l'improvisation et la bonne volonté de son héros, qui le mèneront à une victoire... ...à la Pyrrhus. Vraiment pratiques ces humanoïdes, qui ont tous les mêmes tares que les humains. Heureusement Mezières compense les faiblesses du scénario par des mises en page de toute beauté.

Un one-shot qui désarçonne d'entrée : Valérian en mission dans le temps, se fait dézinguer. Non pas une fois, mais deux, trois, et plus encore. Le scénario dévoile les ressorts de l'action au fil des pages, et met en exergue le peu d'intérêt des puissants pour les réalités endurées par les gens de terrain. La seule bestiole extraterrestre qui se manifeste joue avec Valerian comme avec un pion sur un échiquier. Elle deviendra presque sympathique au regard de son homologue terrienne, technocrate pure et dure : lorsque Laureline pose la question de l'humanité des clones, la hiérarque de Galaxity clôt immédiatement le débat car elle ne voit en eux que des sous-humains ; un indice supplémentaire de la nature dictatoriale de Galaxity.

Cet épisode constitue un pivot indispensable pour comprendre ceux qui suivront.

Le bestiaire s'enrichit considérablement, avec le transmuteur, idée géniale, les Shingouz, les Sufuss, créatures polymorphes que sollicitera Laureline, et tant d'autres encore.

Au cours de ses péripéties, Laureline vivra deux expériences symbiotiques : la première échouera avec l'explosion de la méduse, et la seconde, quasiment fusionnelle, réussira en apportant les informations désirées.

Au delà de la quête de Laureline pour retrouver Valérian et l'ambassadeur, le récit présente Point central, grand bazar de l'espace, maison commune gérée en commun par les multiples ethnies qui l'habitent.
Ici débutent les problèmes de la planète Terre : l'humanité des deux héros (hérauts ?) se voit piétinée par les tentatives impérialistes de Galaxity, lesquelles seront sanctionnées par le bannissement pur et simple des terriens. Pas facile la vie de cowboy de l'espace !

En panne d'inspiration, Christin nous raconte la spoliation des terres des natifs américains par l'industrieuse Bourgnouf, euh, l'industrielle Galaxity. Rien de bien passionnant dans ce scénario très convenu, puisque déjà vu. Il en a de la chance Christin, son univers est rempli d'humanoïdes, vous savez ces humains avec des oreilles de cheval, ça facilite grandement la communication avec ses héros. Remarquons au passage que la structure sociale de Galaxity n'a jamais été décrite dans aucune aventure de Valérian : est-ce une oligarchie, une démocratie, une dictature ? Ah oui, il y a un chef suprême qui cause de temps en temps aux héros. Tout ce que nous connaissons de cette entité terrienne, ce sont ses velléités expansionnistes, dont les autochtones font les frais dans cette aventure. A oublier.

Le dessin est maitrisé, hyper réaliste, il s'agit d'un blockbuster : voici Tanguy et Laverdure rhabillés par Mission impossible, version Tom Cruise.

Cet album compte 62 pages, 14 de plus que les formats habituels. Pour autant l'action n'évolue que très lentement, avec 20 pages de plus on en serait également au même point. Lecture faite, je ne connais toujours rien de la psychologie des 4 principaux protagonistes. Le scénario révèle une recherche documentaire très pointue, à tel point qu'on pense rapidement à un document de propagande de l'aéronavale française. Les fans d'avions y trouveront leur compte.

Cet épisode des aventures de Ric Hochet ne connait aucun temps mort. On dirait un film d'Yves Boisset avec Philippe Noiret dans le rôle du maire. La séquence d'ouverture avec un héros affaibli qui doute de sa personnalité s'avère très angoissante. Le scénario ne laisse aucun répit au lecteur, la traque que subit le héros nous entraîne implacablement jusqu'au dénouement. Assurément un des sommets de la série.

Dans la famille de Lucky luke, voici l'un des rejetons qui a tué le père. Ses géniteurs multi-récidivistes (Yann,Conrad, Léturgie) ont accouché d'un petit chef d'oeuvre d'humour décalé, (pour situer, les innommables qui défoncent le monde des Dalton). Quand le "beautifull Fifi of the gay Paris" des saloons laisse place à "les haricots sont trop salés" de l'orchestre cajun, même si dans les deux cas, la France apparaît en filigrane, les deux far-west se révèlent fort différents ! Le parler cajun règne en maitre sur l'album et ajoute une saveur inédite : "tonnerre m'écrase" ! J'ai bien ri.

Entre deux courses, Michel Vaillant enfile le trench de Ric Hochet. L'amer Michel a perdu son pote et crie par la fenêtre à qui le lui rendra. C'est le FBI qui lui a répondu... ...et partant de là, le scénario aligne les invraisemblances : le FBI recrute un civil, célèbre de surcroit, qu'il envoie en mission d'infiltration au sein d'un gang de trafiquants de drogue... J'ai ri à la lecture de la séquence dans le bistrot "le Caïman bleu", uniquement fréquenté par des hommes : rentré dans un bar gay, notre bel inconnu (enfin pas tout à fait, vu qu'il a déjà couru aux Pays-Bas) à la carrure d'athlète, ne suscite l'attention de personne... Eh oui, on est en 1963, dans une publication destinée à la jeunesse.

Cet album porte très bien son nom : il ne s’y passe rien. Comme Raymond Devos, je n’ai donc rien à en dire, mais je veux que ça se sache.
Depuis « Sur les frontières » qui a bouclé le cycle premier des aventures de Valérian, débuté par une apocalypse et clôturé également par une apocalypse, Christin radote. L’image de Jal, seul dans l’univers, assis au milieu du vide de la cellule terrienne de Point central posait ainsi la question de la résilience : que faire après la mort de mère Gaia ? Malheureusement, Christin n’a jamais réussi à donner de réponse satisfaisante. Il bute sur l’obstacle qu’il a créé : paradoxe vertigineux que celui du héros de science-fiction sans avenir. Depuis la disparition de la civilisation terrienne, Valérian et Laureline sont devenus des Shingouz, pour assurer leur survie, ils pratiquent le commerce itinérant et vivent sur leurs acquis, leur créateur leur ayant refusé les moyens d’affronter Dieu et de lui imposer le retour de la Terre.

Pendant que Christin se satellisait sur lui-même, l’idée maîtresse de Valérian, faire société avec les autres humanoïdes de l’univers, fructifiait au sein d’une autre série : Sillage.

Le dessin est magnifique comme du Mucha.
Le scénario... Le scénario... Il semblerait qu'une partie des pages du scénario se soient envolées par la fenêtre pendant que le dessinateur réalisait l'ouvrage. Du coup, pour masquer l'incohérence qui en résulte, il a dénudé son héroïne sur la majorité des pages des deux albums de la série. C'est bien agréable à regarder, mais intellectuellement frustrant. Beau et con à la fois dirait Brel.

Binet se donne un challenge : produire des gags en 3 cases sur une mécanique toujours identique. Il sublime ce cadre en démontrant son talent. Le résultat est d'une rare efficacité : corrosif, noir et hilarant.
Ma binethèque vient d'augmenter d'une unité.

Voici un petit bijou de para-Astérix, dessiné par Uderzo, non pas le père, mais l'oncle d'Astérix, vu que c'est Marcel, le frère du père, qui chauffe le crayon.
Donc les laboratoires Wellcome se sont mis en tête de nous alerter contre les méfaits d'une alimentation trop riche. Pour ce faire, ils ont choisi de pasticher nos irréductibles gaulois, en les remplaçant par des francs. Cette histoire ne manque pas de celtes, elle est même très drôle tant les références pullulent à chaque page. Certes le verbiage médical s'avère un brin indigeste, mais l'humour du scénariste compense largement, et le trait virtuose de Marcel ajoute à la bonne impression que laisse cette bande, qui mérite de figurer à côté de votre collection d'albums des gaulois. Un must !

Un épisode sérieux, Libellule aura à peine le temps de dégainer 2 tentatives d'humour. Epuisé par la découverte involontaire du don d'ubiquité, il finira vite au lit.

Pour le retrouver, Jourdan enfilera le costume de James Bond et affrontera des robots aux designs novateurs.

Et à la fin, Crouton sonne la charge de la cavalerie, qui vient sortir le héros d'un pétrin pas possible.

Si le concept de jumeaux fantômes, inédit dans la science-fiction, ne repose sur aucune base scientifique, on oublie rapidement ce détail pour se laisser prendre par l'aventure, bien plus palpitante que le Jourdan de "chaud et froid" ou de "patée explosive".

Subversif, un peu, et poétique aussi : les tribulations d'un croquemitaine au service du pouvoir. Le scénario surprend, Orwell rencontre Mr Jack, j'en dis pas plus. Je plussoie Vacom quand il écrit qu'il manque quand même un petit quelque chose. L' album se lit facilement, une grande réussite !

Un avis pour toute la série, puisqu'elle a été pensée comme un tout dès sa conception.

Daniel Hulet s'était spécialisé dans les ambiances gothiques et malsaines. La présente trilogie constitue un chef-d'oeuvre noir et dérangeant, un bad trip sous LSD à déconseiller aux personnes sensibles. S'y mêlent psychiatrie et ésotérisme, 2 grandes thématiques chères à l'auteur.

L'univers graphique développé ici a connu des prémices dans le one shot "Voyages en tête étrangères". Les corps se tordent, se déforment, se difforment, se mélangent.

Voici une tranche de vie d'Ange Goemann, électronicien névrosé qui sombre (sic) dans la folie. Que dire d'autre sans risquer de divulgacher ? Les surprises se succèdent au cours de ce périple psychédélique cronenbergien. Tout comme le héros, le lecteur cherche une porte de sortie en se demandant en permanence où Hulet l'emmène.

Une fois le dernier opus refermé, on constate avec bonheur que les murs n'ont pas bougé et rien perdu de leur solidite, trop content de s'être extirpé de ce Lewis Caroll sale et poisseux. Vous aimez David Lynch, Cronenberg, Fincher, alors approchez bonnes gens ! Mais surtout ne doutez pas de vous, et gardez en tête qu'il vous suffit de refermer l'album pour suspendre le cauchemar, suspendre seulement, car le monde évoqué en ces pages s'avère tellement novateur dans le glauque que vous ne résisterez pas à l'envie d'y retourner pour connaître le fin mot de l'histoire.